samedi 9 mai 2020

Chroniques de confinée

Sur ces entrefaites, dissimulés derrière les bosquets, les touffes de genêts et les ronces de mûriers, les hérissons stridulaient, les canards cancanaient, les renards glapissaient.
La rumeur galopait. L’imminence du danger terrorisait. Des conciliabules s’orchestraient dans la clandestinité.
Le répit avait été de trop courte durée. Les espèces animales à plumes, poilues, velues, dodues, bourdonnantes, roucoulantes ou glougloutantes appréhendaient le funeste retour à la normalité.

Insectes, limaces, escargots, araignées tremblaient, s’affolaient, tressaillaient.

« Attention Goulag ! Travaux forcés! Peine à perpétuité ! »
Entendait-on dans les ramées, les taupinières ou les terriers.
« Ils sont de retour, les fossoyeurs de notre destinée ! Ratiboiseurs de poils, tricoteurs de filets, inventeurs sadiques de pièges empoisonnés ! Chauffards esquintés du bulbe dans des bolides en taule d’acier ! 

Chez la gent animale, le dératatinement impromptu du clan des forcenés hirsutes agités du bocal, inquiétait, consternait, révulsait. 
Finie la liberté.
Adieu l’ insouciante insouciance de la cabriole sur les routes et les sentiers dépeuplés.
Finie la brasse déliée dans les eaux limpides épurées des plastiques et autres harpons meurtriers.
Censuré le retentissant coquelinement matinal à gorge déployée. 
Les animaux se concertaient. Dans la case aux palabres, les discussions allaient bon train. Et ça piaillait ! Et ça caquetait ! La cahute ressemblait à un poulailler braillard, une gargote emplumée, un bouge à cocottes parfumées.
Les affres du tourment gangrénaient les espoirs des plus optimistes.
Loups, marsouins, cerfs, dauphins, furets, musaraignes, mulots, corneilles,   couleuvres ou serpents tricots rayés, s’unissaient à l’unisson en de longs sanglots éperdus.
Ils se sentaient moulus comme des grains de café, vermoulus telles autant de brindilles nécrosées.
Le moral était au plus bas.

Même les dociles moutons assujettis aux chiens, eux-mêmes sous le joug des   bergers, issus de la confrérie des pruneaux champêtres, se montraient solidaires.
Les Anciens, gardiens séculaires de la parole sacrée, les Grands Sages, paisibles et pondérés, ne trouvaient plus les mots pour réconforter.

La trêve se terminait. Ne restait plus qu’à espérer que les pruneaux marinés, confits, gonflés, trempés dans l’eau de vie, auraient appris du courroux de la guilde des Pangolins meurtris.

« Dans les poulaillers d’acajou,
Les belles basses-cours à bijoux
On entend la conversation 
D’la volaille qui fait l’opinion » Alain Souchon, Poulailler song



« La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s'évader. Un système d'esclavage où, grâce la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l'amour de leur servitude ... » Aldous Huxley, Le meilleur des mondes.







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