vendredi 8 mai 2020

Chroniques de confinée

Les jours s’égrenaient, une doctrine nouvellement novatrice émergeait, susnommée « libération conditionnelle sous condition de libération conditionnellement libératoire ». 
Elle était tarabiscotée de la tarabiscote, confuse et entortillée. Les censeurs avaient légiféré.
D’intransigeantes consignes de sécurité étaient transcrites, répertoriées, placardées.
Sur les toits, les immeubles, les clochers, gravées au burin dans le firmament de la voûte étoilée.
Calligraphiées à la plume d’or dans de grands cahiers, les recommandations croissaient , gonflaient, bouffissaient, tels autant de crapauds congestionnés.
« Alinéa , tiret, ouvrez les guillemets.
Retour à la ligne, Majuscule. Point. Parenthèses fermées.
Si vous toussez, tarabustez-vous la tarabistouille !
Marchez dans la direction du sens giratoire opposé à la circulation autorisée.
Si vous postillonnez, prenez promptement votre température rectale !
Thermomètre intégré. Charge virale détectée.Carnet de santé tamponné. 
Surveillance, authentification, classification.
Marcher droit. Filer. Raser les murs sans les effleurer.
Ne pas croiser le regard de son voisin mal fagoté. 
Interdiction d’ébruiter des loufoqueries fantasques contraires au Dogme de la congrégation des Bienfaiteurs.
Au pas. En ligne. En rangs espacés.
Rompez. »
Ainsi s’établissait la Doctrine de libération conditionnelle sous condition de libération conditionnellement libératoire. 
Les humains, désorientés, devaient se soumettre au principe de précaution, de prudence et de circonspection.
Le mortellement néfaste virus toujours très malveillant, était perfidement embusqué dans les tissus, les pièces sombres mal aérées, les esprits épouvantés.
Cheveu gras, œil hagard, regard fixe, teint blême et cireux, la confrérie des pruneaux,  en voie de dératatinement imminent, désertait, terrorisée, les bocaux fraîchement débouchés.

Circonspecte, méfiante, ultra concentrée, la communauté avançait désormais masquée.

« Hors de saison, le fruit n’est bon. » Proverbe français, 1611


4 commentaires:

  1. Même la légende de la photo est raccord ! J'aime toujours autant tes mots ! Des bises.

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  2. Saisissant ! Merveilleusement bien écrit !

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    1. Merci ! Je m’amuse comme une gamine ! Ce confinement est pour moi un merveilleux souffle pour écrire...

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