jeudi 2 novembre 2017

Tableau d'automne



 Dans la pâleur du jour naissant, l’homme heureux se lève. Il se rend dans la grande cuisine de la ferme assoupie. Les bêtes dorment encore dans l’étable, l’épouse est déjà debout, qui veille sur la maisonnée. Elle fait couler le noir café, le doux breuvage aux arômes des pays lointains. Elle songe au temps d’avant, à ces matins colorés devant la prairie de bananiers, de gaïacs, de champs de pastèques et d’orangers. Et lui reviennent les saveurs de mandarine acidulée, grappes de pluie dans le gosier. 
Pareil à des feuilles argentées, le temps se faufile dans les fils de la chevelure brune. 
La femme songe. Trempe les lèvres dans la tasse porcelaine. 
Un matin à rêver.
Le clair feulement des chattes affamées est un appel impérieux. Les félines attendent le repas matinal. 
Tyrannie domestique, prière collective. Les reines ordonnent, la femme se plie à l’ordre silencieux.

L’homme est parti ramasser le bois. L’automne est là, il faut chauffer.

 Dans les silences apprivoisés, l’épouse respire et puis se tait.

mercredi 1 novembre 2017

Sur le canal

Et au détour d’un vieux sentier, naissent collines et champs mêlés. Nous cheminons dans les vallées, dans les terres grasses et labourées, peuplées de gui, de châtaigniers.
 L’horizon emprunte le sillon des nuages et nous emporte loin dans les contrées du ciel. 
Le bon vent frais se pose sur les joues, la sérénade des peupliers vainqueurs tourbillonne dans nos têtes. 
Et ça grise, et ça joue et ça crie la quiétude. Loin, loin de la bourrasque hallucinée, du fracas des voitures et des hommes enfiévrés.
Juste le bruit des feuilles qui chuchotent dans les rayons, juste la tendresse du souffle de la brise d’automne, juste le soleil posé sur les paupières.
Loin, loin des vrombissements voraces des carcasses d’acier, de toutes ces poupées, pipelines encrassés.

Et au détour d’un vieux sentier, sentir le calme et puis rêver.