lundi 30 mars 2020

La complainte du pangolin



     La complainte du pangolin


Oui, alors voilà chers compatriotes. Il est temps d’aller rechercher au plus profond de vous-mêmes votre enfant intérieur, de retrouver votre moi métaphorique, de vous ressourcer dans les livres de philosophie ancestrale, de renouer avec vos shakras, d’entrer dans les recoins les plus enfouis de vos pulsations intimes. Nous nous occupons du reste.


Et c’est là que les emmerdes commencèrent vraiment.


Elle se disait qu’elle n’était pas la plus malheureuse. Non. Décidément non. Elle avait la chance d’habiter une grande maison fleurie avec les mésanges, les pigeons ramiers squatteurs du Savonnier, le bon air, les oliviers et l’amour. Elle pensait à tous ces gens cloitrés dans les HLM, à tous ceux qui n’avaient pas de maison, à tous ceux à qui on imposait une solitude intolérable. Elle pensait que décidément, la démocratie, elle n’y croyait plus. Pourtant, elle y avait cru au socialisme. Et puis plus. Mais plus du tout. La carte d’électrice s’était retrouvée à la poubelle. D’un coup. Elle savait pas pourquoi, mais elle ne l’avait plus jamais retrouvée.  Cher Pangolin, se disait-elle, je te remercie. Ça va peut-être nous ramener à l’essentiel... Peut-être...


Elle qui ne voyait toujours que le verre à moitié vide, souffrait de jour en jour d’hallucinations prémonitoires...Mais si tous les pangolins du monde commençaient à se révolter, c’en serait fini des mangeurs de crèmes glacées et de nuggets à poils ras ! 


La petite bête à écailles semblait avoir semé le cri de la révolte parmi toutes les autres petites bêtes grillées cuisinées à la sauce cacahuète. 


Ici et là, elle pouvait entendre la clameur sourde de tous les sieurs pangolins et dames pangolines à travers la planète. D’abord un brouhaha incertain, puis des chuchotements distincts et enfin le vacarme des opprimés se faisait entendre. 

De tous les coins de la planète bruissait le vent de la rébellion.
 Écailles hérissées, griffes acérées les pangolins se gaussaient.