lundi 4 mai 2020

Chroniques de confinée


Des images s’imposaient, s’interposaient, gouvernaient.
Ses parents, la maison, les forêts, le giron. Une tape sur l’épaule, une caresse, un bouquet. Un doigt de pied d’abord, une pensée, fugace, et les yeux scrutaient ce petit coin de verdure, ces champs innombrables longtemps laissés en jachère.
 Oubliés ? Non. Au repos. En sommeil.
Elle les avait laissés somnoler.
Somnoler jusqu’au moment où la sève suintait du saule esseulé. 
Elle pouvait presque deviner la plainte des feuilles perlées dans la fraîche brise matinale. 
L’arbre régnait victorieux dans le jardin entre les deux montagnes.
Le bruissement ressemblait à de la crinoline qui froufroutait. Et ça se mettait à tournoyer et ça faisait un vacarme de tous les diables cette étoffe de femme.
Elle se souvenait du craquèlement des branches dans le vent, de la  cacophonie soudaine des feuilles dans un ballet effréné, désordonné, échevelé.
Elle creusait dans la terre fertile du souvenir. Glèbe grasse, terreau odorant, senteur grisante surgie de la nuit des temps.
Le saule s’agitait. Captif. Enraciné.
Plaintes enfouies dans les taupinières, terres grasses, malléables, fécondes. 
Ventres alourdis, épaissis, appesantis.
Semailles ensommeillées. Réminiscences du temps passé.
Elle avait longtemps laissé s’ensevelir, y avait rien à faire, les flots affluaient, indisciplinés, rétifs, frondeurs.
Pour tout dire, impérieux.


 Jour après jour, les images déferlaient.

Asphyxiée par les effluves étouffantes du cataclysme de la mer démontée, la femme, assise face à son clavier, dans la maison au savonnier, aux plantes grasses, aux oliviers, convulsivement, 
Écrivait.


" Ceux qui peuvent agissent et ceux qui ne peuvent pas, et souffrent assez de ne pas pouvoir, écrivent. " William Faulkner



Claude Monet, Saule pleureur 

3 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  2. C'est chouette pour nous que cette mouise te fasse écrire :-)

    RépondreSupprimer
  3. Ça me permet de déposer mes angoisses... Tu connais mon penchant pour la sérénité !

    RépondreSupprimer