mardi 5 mai 2020

Chroniques de confinée


Les journées défilaient.
Cerises à l’eau de vie, poires suaves au sirop, pissenlits dans les prés, ou radis fermentés.
Elle réfléchissait. S’asseyait. Répertoriait.
Elle se sentait dans un drôle d’état.
Un nuage de plomb sur la tête. Une averse de grêle. Un lendemain d’ébriété. Une nausée aux bord des lèvres. Une bile à dégobiller. Un coup de poing bien placé sur l’arrête du nez. Une migraine diffuse. Un chagrin mal consolé.

Elle s’en allait où la liberté ?  

Le merle moqueur, qui l’écouterait babiller ? 
La pie gentiment chamailleuse, qui la protègerait  ?
Elle se sentait dans un drôle d’été mais on était en mai.
La confinée déconfite cogitait ergo sum, hit et nunc et parfois in vino veritas. 
Elle consignait donc le fil de ses pensées.
Le renard tapi dans le poulailler,
Qui le dénoncerait ?
Le chat noir maraudeur, qui le brûlerait ? 
Et le poète frondeur... 
Qui l’excommunierait ? 
Ça sentait le moisi, le pourri, la viande faisandée.
Pourtant le jardin resplendissait. Le potager prospérait. Les semis s’épanouissaient.
Le hululement de la chouette enchantait les débuts de soirée, les oisillons étaient bien au chaud dans les haies, la brise tiède annonçait un bel été.
Et dans le nez, déterminée, persistante, inaltérable, une odeur fétide, malsaine.
Nauséabonde.
Le sururrement des blattes cannibales enflait. Croissait. Gonflait. 
S’intensifiait. 
Repas goulu, vorace, sonore.
Invasion silencieuse, sournoise, feutrée.
Mélopée doucereuse, vibrante vibration hypnotique, boursoufflure infectée, chancre aux couleurs violacées.

Le spectre de la coercition coercitive librement liberticide, pondait. 
Bataillons de larves en gestation, cohortes en embuscade, tapis le long des palissades.

Et nous étions en mai. Joli mois de mai. Fais ce qu’il te plaît.

« Je hais tout ce qui est soumis. Je déteste l’homme assis » Jacques Brel




Merle, gravure sur bois.

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