jeudi 7 mai 2020

chroniques de confinée

Elle se plongeait parfois dans ses vieilles photographies, images du souffle des saisons, désuètes fragrances de la vie qui s’enfuyait.
L’hier embaumait la pensée, une présence familière, un autrefois enraciné.
Des parfums surannés enivraient de leur tendre présence les effluves du souvenir, lianes inextricables, luxuriantes, inaltérables.
En elle remontait la douce et profonde nostalgie des secrets collectionnés, jalousement engrangés dans un vieux coffre fermé à clé. 
Lettres, clichés et vieux papiers cohabitaient dans un désordre décomplexé, fantasque et tarabiscoté.

Elle avait dans ses poches un pré vert et des pissenlits, des balades en forêt, un mulot en colère, la montagne en bandoulière.
Dans son regard émerveillé, l’or des gentianes éclaboussé, les lacs des glaciers bleutés, l’âne si doux, portant la croix de Saint André.
Dans sa besace en cuir tanné, les clarines tintinnabulantes, les fermes bardées de  tavaillons, les cascades du hérisson.
Dans son sac effiloché, une robe rouge à pois blancs, des cheveux tout bouclés, une maison à trois toits.
Dans sa gibecière en toile de jute, le redon du grand-père, les ciseaux de la tonte, la marque de ses moutons.
Dans son cœur de gamine, les tartes aux myrtilles, l’odeur du serpolet, la tornade des torrent glacés. 
Dans son antique paletot troué, les sous-bois enchevêtrés, les clairières illuminées, les champignons poêlés.
Secondes suspendues, elle gravissait ainsi les raidillons du temps, escaliers escarpés où elle avait usé ses souliers. 

Et, coincé entre deux éternités, le souvenir se magnifiait.

«  J’aime l’âne si doux, marchant le long des houx. 
    Il a peur des abeilles, il plisse ses oreilles. 
    Il réfléchit toujours. Ses yeux sont de velours » Francis Jammes.



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