mercredi 29 avril 2020

Chroniques de confinée


Puis vint le temps de la Doctrine de l’enluminure moderne. 
La délivrance partielle des pruneaux agités dans le bocal s’élaborait dans une officine ancestrale où les teintes étaient amoureusement concoctées, pigments pilés, broyés, huilés dans un antique mortier. Il fallait obtenir des nuances de rouge et de vert les plus variées de toutes les nuances du nuancier.
Rouge cochenille. Vermillon. Pourpre. Écarlate ou carmin.
Vert. Clair ou foncé. Vert de gris, kaki, turquoise ou anisé.
Ne pas lésiner sur la sécurité. 
De la bonne ouverture du bocal dépendrait la saveur du pruneau confit confiné rabougri, chétif ou boursouflé.
Ne surtout pas se rater. La qualité du produit résultait de la technique employée.
Ainsi, les régions du globe les plus touchées par le mortellement néfaste virus étaient délicatement peintes en rouge.
Celles les plus épargnées se nimbaient de toutes les nuances de vert. 
Les paysages s’embellissaient, magnifiés par les touches précises, adroites, exercées, des badigeonneurs assermentés. 
Par touches successives, les régions se fardaient. 
Des bataillons d’aquarellistes, fresquistes, paysagistes, impressionnistes  métamorphosaient les espaces urbains et campagnards. 
Les pinceaux bruissaient sur la toile, sur les palettes les teintes se combinaient.
Aquarelles, esquisses, croquis, fusains naissaient dans des nuances de vert et de rouge, pour une remise en liberté échelonnée, fragmentaire et encadrée. 

Échevelés, barbus, chevelus, poilus, hagards ou avisés, les pruneaux devraient être récoltés avec beaucoup de tact et de doigté. 


« On me demande souvent ce que cache ma peinture. Rien ! Je peins des images visibles qui évoquent quelque chose d’incompréhensible » René Magritte.


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