vendredi 31 janvier 2025

L’autre versant

 En haut de la colline, au bout d’une impasse, Amandine Blandine Sméagol Gollum Cartapus, Blanche, Bidouille, Bobby, Janis et nous-mêmes avons établi notre quartier Général. 

De là, par temps clair, les Pyrénées s’invitent. L’entrée est une longue allée bordée de palmiers, de pins, de roses sauvages et d’arbres fruitiers. Les ronces vivaces croissent, telles des murailles. Le lierre se plaît à encercler les troncs des chênes, les mimosas valsent avec le vent, le tendre olivier abrite fleurs de rocaille et touffes de romarin. 

Tout au bout, la métairie se dresse. C’est un immense corps de ferme en forme de U. On croirait une hacienda. Le vieil édifice est imposant. Un peu austère. 

Une ruelle étroite sépare les deux parties qui se font face. Deux logements constituent le côté sud et trois autres le nord. L’ensemble est relié par un pigeonnier qui fait office de chambre. Pour s’y rendre, un escalier très raide donne sur un vaste préau. En contrebas des lieux d’habitation se trouve la grange qui servait d’étable et une autre dépendance transformée en serre se dissimule. Des plants de tomates réfractaires s’accrochent à la vie et grandissent malgré les gelées successives.  

La végétation se meut, tenace, vivante et guerrière. 


Les combats sont pour tous. 






mardi 28 janvier 2025

L’autre versant


Un jour floconneux, elle a surgi. Avec les yeux ronds de Sméagol Gollum, un miaulement de carriole rouillée, une queue de raton laveur, Amandine Blandine est une chatte isabelle aussi large que longue. Pour se faire accepter par les membres de notre ombrageuse et royale tribu, elle adopte la technique de Cartapus. Je mange, je ne mange pas ! Je bouge, je ne bouge pas ! Vous me voyez ? Non. Vous ne me voyez pas. Une patte en l’air, le regard fixe, les oreilles aplaties, elle se fige, n’existe plus, suspendue entre deux mondes. Visible mais invisible. Morte mais bien vivante, elle se désintègre. Aux aguets derrière les vitres, présente et omniprésente, en embuscade, devant, derrière, à l’oblique, en diagonale, à gauche puis à droite des gamelles, Amandine Blandine Sméagol Gollum Cartapus a fini par devenir une habituée. Elle participe aux agapes, s’invite dans la maison et s’initie aux bonnes manières. Quand elle me fixe de ses grands yeux ronds comme des billes, elle sait que nous sommes devenues des amies.


Photo Éric Mc Comber



samedi 25 janvier 2025

L’autre versant

 En hiver, les coteaux sont ventés, les prairies sous la pluie, les longs réveils brumeux. La lande est entourée d’un brouillard permanent. La métairie flotte, vieille bâtisse fantôme en haut de la vallée. Ma garde robe est en laine et des bottes en caoutchouc habitent sur le seuil. Il y a les jours de tempête, les grêlons, la rage du vent, le crachin insidieux et la bruine d’un climat irlandais. À la limite entre le Gers et les Landes, bastides austères et églises fortifiées s’érigent. Les fenêtres sont des meurtrières qui laissent à peine passer les rayons d’un soleil timide. Les pavés des villages résonnent du trot des chevaux. La clameur des batailles est vivante.

C’est un versant farouche. Celui des combattants. 




vendredi 24 janvier 2025

L’autre versant

 La ruche dort, mes pas hésitent. Les brins d’herbe ont la couleur du sucre. Des biches traversent le champ. Elles habitent la forêt, en savent tous les détours, les sentiers, les jeunes pousses frigorifiées et les matins frileux.

Mon souffle forme une buée sur le vallon. Au loin, les chasseurs tirent, des chiens aboient. Sur la colline, les chevrettes sont à l’abri. Elles font leur couche dans les parterres de mimosas et façonnent des petits sentiers maintes fois empruntés par leurs sabots têtus.


La ruche dort, mes pas s’enhardissent, les herbes gelées grelottent. Je rentre mettre des bûches dans le foyer.


C’est une aube banale entre le ciel et la terre, la lande et les vallons. 

C’est un matin transi, un pastel au fond des bois.